Le portfolio
Pour un créatif...
…et ce, quel que soit son niveau d’expérience, sa maturité créative ou sa spécialité, l’étape de la présentation de son book est toujours sensible, sujette à questionnements et peut parfois être vécue comme une véritable épreuve.
Mon univers créatif sera –t-il compris ? Ma sélection de visuels est-elle pertinente ? Suis-je clivant dans mes choix / mes parti-pris ? Quid de ma versatilité ? De mon adaptabilité ? L’étendue de mes compétences est-elle bien représentée ? Va – t-on me faire confiance sur ce futur projet ? sont des questions clairement récurrentes.
Je suis souvent surprise en entretien de voir à quel point il relève presque de « l’intime » de dévoiler ses réalisations, comme le serait une mise à nue et il est peut-être parfois utile d’avoir quelques repères pragmatiques sur le contenu de son portfolio, souvent fruit d’années de travail, de passion, de convictions fortes, pour en faciliter sa lecture.
Il faut aussi avoir en tête en permanence que, quel que soit le projet créatif, le book d’un talent a pour vocation d’être montré en illustration à différents décideurs dans le cadre de la conduite de nouveaux/futurs projets.
Parmi ces décideurs, quelques-uns seront issus d’écoles d’art ou de design et seront familiers de l’exercice, d’autres comme les exécutifs des ressources humaines par exemple et/ou les dirigeants stratégiques de marques n’auront pas autant l’habitude de visualiser ce genre de réalisations, et, de fait, il est important d’être « lisible » du plus grand nombre ou tout du moins d’avoir à portée de main des réalisations sur plusieurs niveaux de lecture et de compréhension.
Il sera parfois important d’être capable d’entrer vraiment profondément dans le détail d’un savoir-faire particulier sur tel ou tel sujet/support/contexte – tout en étant aussi bien dans une approche plus « globale », presque pédagogique et qui soit surtout et avant toute chose : représentative du processus de création du talent.
Nos conseils
Ceci étant posé voilà ce que je conseille en général aux créatifs qui me questionnent régulièrement sur les attentes autour d’un portfolio :
- En premier lieu, garder en tête la fonction du book : il doit illustrer clairement le processus créatif et servir ses intentions.
- De la forme au fond, l’exercice commence dès le choix du support.
Il existe probablement autant de books qu’il existe de créatifs, c’est une bonne chose en effet, car chaque portfolio est unique, et a d’ailleurs vocation à l’être et à le rester.
Un support « physique »
Un porte-revue à spirales, relié, en carton, en tissu, en cuir, des feuilles plastifiées protégeant des dessins originaux, des esquisses, des croquis rapides, des photos de dessins, des photos de produits, des mises en scène, des articles de presse/des parutions, des campagnes, des dessins techniques, des moodboards, des planches d’inspirations, parfois même des textes, tout est recevable tant que cela sert l’explication du processus de création.
Il est aussi courant qu’il s’accompagne de matières, d’échantillons et de produits finis, il faut garder en tête la praticité, ce n’est pas toujours pertinent d’apporter des kilos de produits en plus des réalisations papier, à privilégier donc seulement quand c’est jugé pertinent de par le contexte (ou encore demandé explicitement).
Un support virtuel
Il est de plus en plus courant pour nous les chasseurs de tête créatifs de « feuilleter » des portfolios virtuels, aussi bien en entretien face-à-face sur une tablette ou un ordinateur qu’en amont d’une rencontre en attachement d’un email au format PDF ou PowerPoint ou encore sur des sites tels que Cargocollective, Behance entre autres ou parfois aussi auto-hébergés.
Cette pratique a tendance à se généraliser pour plusieurs raisons, gain de temps, transport, facilité d’actualisation, d’envoi, aussi de par la « globalisation » du marché, (il est parfois plus pratique pour échanger virtuellement avec une maison (ou un talent) à l’autre bout de la planète).
Avant réservée uniquement aux créatifs image / communication / scénographie ou aux designers sur une catégorie de produit plus axée « grand-public » / contemporary ; il n’est aujourd’hui effectivement plus rare de rencontrer des talents issus de studios de premières lignes en P-A-P, en Haute-couture, ou en accessoires de luxe qui présentent leur travail de la sorte.
Encore une fois...
… il n’y a pas de bonne ou mauvaise méthode, il faut que le choix de support résulte d’une conviction forte du créatif et que sa lisibilité en soit toujours la première intention.
- La lisibilité des intentions créatives.
Concrètement qu’est ce qui est attendu d’un portfolio ? Il faut qu’il soit explicatif de la démarche créative du talent.
Idéalement il doit contenir des éléments qui vont répondre aux principes suivants :
Les must have :
- D’où vient l’inspiration ?
(Ou selon le niveau de séniorité, quel est mon travail avec les inputs créatifs que je reçois)
Une planche d’inspiration ? Un moodboard ? Des thèmes ? Un brief précis ? Une référence artistique ? Architecturale ? Historique ? Dessins directs ? Vintage ? Travail de volume/3D ?
On doit pouvoir se représenter l’amorce du processus créatif, pour comprendre notamment quel type de culture de studio / d’environnement / d’input est nécessaire (ou adaptable d’ailleurs).
- L’illustration du propos
Tout le process de création doit idéalement être détaillé pas à pas : d’abord la recherche.
Puis, les premiers dessins (ou les premières images si l’on est un créatif image, communication ou scénographie) les dessins finalisés (couleurs ? gouachés ?) image finale, les fiches techniques s’il y a lieu, le produit fini ou sa mise en situation (campagne / parution / défilé).
- Les thématiques claires et organisées
Qu’il soit organisé par chronologie, par collections, par campagnes ou par catégorie de produit (ou de projets) il faut qu’il y ait une cohérence dans la présentation, un book ordonné est plus facile à pitcher (et d’autant plus à scroller pour un interlocuteur qui le consulterait sans la présence du créatif comme cela arrive parfois). Il faut que l’on puisse transposer, se représenter le travail du talent dans un autre univers, dans un contexte différent, en l’occurrence dans le projet pour lequel on le rencontre que ce soit prospectif ou plus précis.
Les nice to have :
- Un projet personnel
Il est toujours très instructif d’avoir une approche plus personnelle dans son portfolio, en effet dans le parcours professionnel du talent, il ne sera pas rare pour celui-ci de travailler sous des impulsions artistiques provenant d’un contexte particulier : l’ADN d’une marque, d’une direction créative, un brief externe. Montrer un travail personnel dans ces contextes est toujours un vrai plus pour appréhender un talent dans sa globalité. Un « fil rouge » ou un univers personnel font souvent la différence dans le recrutement d’un talent créatif sur un projet donné.
- Une sélection ciblée
Dans le cadre d’un projet précis, il est aussi important de présenter une sélection plus focus sur l’univers en question, il est toujours très appréciable de démontrer au travers de cette sélection ou au travers d’un travail réalisé spécifiquement pour l’occasion que l’on a compris l’intention de la marque et que l’on s’y projette avec pertinence.